Bouquetins abattus : un carnage inutile

Seuls 3 bouquetins sur les 61 abattus dans le massif du Bargy étaient séropositifs à la brucellose, selon les chiffres de Reporterre.

Beaucoup de sang pour pas grand-chose ? Seuls 3 des 61 bouquetins du massif du Bargy abattus par les services de l’État en octobre dernier se sont révélés séropositifs à la brucellose, a appris Reporterre auprès de sources concordantes. Un chiffre confirmé par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, qui précise que des « analyses de confirmation » bactériologiques et sérologiques sont encore en cours. Pour l’heure, selon nos sources, cinquante cadavres ont déjà été testés.

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La mise à mort de ces animaux sauvages avait été ordonnée par le préfet de Haute-Savoie pour des raisons sanitaires. Les bouquetins des Alpes — espèce protégée — sont en effet suspectés d’avoir transmis la brucellose à un bovin en novembre 2021. Cette maladie bactérienne, qui peut se transmettre à l’humain par la consommation de produits laitiers crus, terrorise les éleveurs et producteurs de reblochon. En cas de contamination d’une vache, l’ensemble du troupeau doit en effet être mené à l’abattoir. Arguant d’un impact moral « considérable », la filière avait sommé l’État de « prendre ses responsabilités », quitte à abattre massivement les bouquetins du massif.

Cette stratégie est depuis l’origine vivement critiquée par les associations écologistes et les scientifiques. Dans son avis de novembre 2021, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) estimait qu’un abattage massif et indifférencié, tel que décidé par le préfet Alain Espinasse, avait peu de chance de parvenir à éradiquer la maladie. Constat partagé par le Conseil national de protection de la nature (CNPN) — l’instance consultative du ministère de la Transition écologique —, qui recommandait plutôt de capturer les bouquetins suspects grâce à des fléchettes anesthésiantes, de les tester et d’euthanasier uniquement les porteurs avérés de la maladie.

« L’État est passé outre et a acté directement l’abattage, fulmine un membre du CNPN, sous couvert d’anonymat. Comme souvent, nous n’avons pas été écoutés. » Le pourcentage de bouquetins réellement infectés parmi ceux tombés sous les balles est « très faible », déplore-t-il. « C’est dommage. » Dans une tribune publiée en avril, le géographe Farid Benhammou et la documentariste Mélina Zauber rappelaient que la préservation du bouquetin des Alpes ne tient plus qu’à « un fil ». En mars, on ne comptait que 370 individus dans le massif du Bargy. Moins 61, désormais.