La Fédération nationale ovine prétend que les attaques d’ours augmentent, avec près de 1 000 brebis victimes par an. Mais ces chiffres comprennent des animaux pour lesquels aucune preuve accablant le prédateur n’a été relevée.
Pour bien tuer l’ours, il faut d’abord vendre sa peau. C’est en tout cas la stratégie que semble avoir adoptée la Fédération nationale ovine (FNO). Fin juillet, cette branche de la FNSEA a diffusé un dossier d’information nommé « Menace sur les Pyrénées » qui prétend que les attaques d’ursidés sont en forte augmentation au point qu’en Ariège, « les pertes reconnues chaque année sont estimées entre 900 et 1 000 brebis ». Sollicitée, l’association spécialisée n’a pas donné suite à Reporterre.
Précisément, l’association d’éleveurs avance qu’entre janvier et octobre 2022, 937 animaux ont été indemnisés. Elle indique que ces chiffres sont basés sur les données de l’Office français de la biodiversité (OFB).
Or, l’OFB n’a comptabilisé en 2022 que 590 bêtes tuées où « la responsabilité de l’ours ne peut pas être écartée ». Une formule prudente — qui signifie que des indices de prédation de l’ours ont été trouvés — mais ne permettent pas de trancher la responsabilité entre l’ours ou un autre prédateur.
Néanmoins, le Réseau Ours Brun de l’OFB reconnaît dans son dernier rapport annuel que les chiffres de la prédation sur le cheptel domestique « sont certainement une sous-estimation de la prédation réelle car les dégâts indemnisés au bénéfice du doute ne sont pas ici comptabilisés ».
« Ils achètent la paix sociale »
Ce qui ne semble pas empêcher les éleveurs de compter l’ensemble des bêtes indemnisées comme des victimes potentielles de l’ours, même quand la prédation n’est pas avérée. « La préfecture de l’Ariège indemnise presque tout. C’est politique : ils achètent la paix sociale », observe Patrick Leyrissoux, le coordinateur Ours de l’association Ferus.
De fait, 86 % des dossiers d’indemnisation déposés auprès de la préfecture de l’Ariège en 2022 ont été validés, certains avec la mention « cause de mortalité indéterminée (ours possible) ». C’est-à-dire que malgré l’absence de preuve, le doute a bénéficié aux éleveurs.
FNO affirme également que, depuis 2016, « une forte augmentation du nombre d’attaques est constatée : 95 attaques de plus par an en moyenne sur l’ensemble des Pyrénées ».
Moins d’attaques depuis 2020
Pourtant, la lecture des données de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement d’Occitanie (Dreal) dément cette assertion.
Si la prédation a bien connu un bond en passant d’une moyenne de 122 dossiers par an entre 2007 et 2017 à 327 en 2018, elle reste stable voire diminue depuis : 362 attaques ont été répertoriées en 2019, 383 en 2020, 333 en 2021 et 331 en 2022.
Le nombre d’attaques répertoriées est en légère baisse ces dernières années, d’après les chiffres de la Dreal. © Dreal Occitanie
L’association d’exploitants ovins pointe aussi que le nombre de constats d’attaque est en hausse cette année : 150 dossiers de dommages des troupeaux ont été enregistrés entre janvier et juillet 2023, contre 123 l’an dernier sur la même période. Soit une augmentation de 21 %, qui reste cependant à considérer avec précaution : ces dossiers sont en cours d’expertise, il est donc prématuré d’en tirer des conclusions.
Derrière cette présentation anxiogène des chiffres, l’objectif de FNO est écrit en toute transparence : « Les éleveurs exigent que l’État décuple les moyens humains et matériels affectés à l’effarouchement des ours. Il n’est pas tolérable pour les éleveurs, les bergers et leurs troupeaux risquent leur vie sans autre moyen d’action que les flashs lumineux et les pétards utilisés par l’OFB. »
De quoi convaincre l’État d’acheter la peau de l’ours selon Patrick Leyrissoux : « Plus ils sont mécontents, plus l’argent de l’État tombe. Ils ont tout intérêt à continuer. »