Certains syndicats agricoles (FNSEA, Jeunes Agriculteurs, Fédération Nationale Ovine) se mobilisent aujourd’hui contre les « prédateurs » : loup, ours, lynx.
Si le retour du loup en France depuis les années 90, plus d’un demi-siècle après avoir été exterminé, modifie les pratiques agricoles et oblige à un réapprentissage de techniques d’élevage ancestrales qui avaient été perdues et oubliées, causant des difficultés réelles chez les agriculteurs, il est important de contextualiser ou corriger certains chiffres et affirmations avancés par les organisateurs de cette journée, afin d’appuyer le débat sur des bases scientifiques solides. Nous vous y aidons :
- L’intersyndicale parle de plus de 12 000 ovins tués par an à cause du loup. En réalité, il s’agit de cas pour lesquels « on ne peut exclure le loup », ce qui est très différent. Ce chiffre doit être rapporté au cheptel d’ovins en France : 7,173 millions d’animaux en 2020. Ces animaux tués représentent donc 0,16% du cheptel total. Enfin, ce chiffre est en cours de stabilisation, voire de baisse, depuis 3 ans, dans les départements où le loup est présent.
- Même chose pour les « + de 630 » animaux tués par l’ours en 2020 : ce nombre est à rapporter aux plus de 7 millions d’ovins et aux près de 18 millions de bovins du cheptel français.
- « Près de 150 lynx en France = 150 victimes » selon les syndicats agricoles. On ignore de quelles victimes il s’agit. La faiblesse du chiffre parle d’elle-même.
- « Coût finances publiques de + de 32 millions d’€ » : les aides aux agriculteurs pour la co-existence avec les grands prédateurs représenteraient donc 0,22% des aides publiques à l’agriculture (14,3 milliards d’€, protection sociale non incluse). Est-ce excessif, au 21e siècle, en regard des centaines de millions consacrés à maintenir une filière qui n’a plus son propre équilibre économique ?
Les organisations professionnelles agricoles n’hésitent pas à ajouter au tableau « + de 2500 couples de vautours », alors que ceux-ci sont des charognards exclusifs et ne sont donc pas des prédateurs : ils n’ont, aux avis des vétérinaires et scientifiques français comme européens, aucun rôle dans les chiffres des pertes agricoles.
« La coexistence avec la présence des grands prédateurs est plébiscitée par les citoyens de tous les pays européens, et soutenue par les Etats concernés. Le débat autour de l’adaptation du monde agricole et du légitime soutien à apporter aux agriculteurs et agricultrices face au retour des grands prédateurs dans des territoires d’où l’homme les avait exterminés mérite beaucoup mieux que les caricatures qui en sont malheureusement données par ces chiffres qui ne reflètent pas la réalité de la situation. » selon Jean-David Abel, pilote du réseau Biodiversité à France Nature Environnement.