LES VAUTOURS ACCOMPAGNENT CE 13 JANVIER M.TERRASSE………..

Rencontre avec Michel Terrasse, fidèle protecteur des rapaces dans le monde

Michel TERRASSE avec des vautours en Espagne – Photo A.GUERRIER

Militant de la première heure pour la protection des rapaces, fondateur avec son frère Jean-François, du Fonds d’Intervention pour les Rapaces (FIR), maintenant inclus dans les missions de la LPO France, Michel Terrasse a été président jusqu’à récemment de la Vulture Conservation Foundation (VCF), qui s’est préoccupée de la conservation et de la réintroduction des vautours et du Gypaète barbu, avec de nombreux programmes très réussis.

La France fait figure de pionnière avec la réintroduction des Vautours fauves dans les Grands Causses du Massif Central, depuis la fin des années 60, puis dans le sud du Massif Alpin. Presque tous les pays d’Europe sont aujourd’hui concernés (Autriche, Suisse, Italie, Espagne, Bulgarie, Grèce), avec un objectif commun de reconstituer les populations des quatre espèces de vautours, les Vautours fauves et moines, le Gypaète barbu et le très menacé Vautour percnoptère. En 2020, UNIVET NATURE a d’ailleurs financé la réintroduction des vautours dans le Verdon en soutenant la LPO Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Vautour moine

Comment vont les populations de vautours hors de l’Europe ?

C’est un véritable paradoxe mais on a assisté depuis une cinquantaine d’années à la fois au sauvetage souvent réussi des vautours dans une Europe toujours plus développée, alors que les véritables paradis de ces oiseaux charognards qu’étaient l’Afrique et l’Asie ont vu et voient actuellement leurs populations de vautours s’effondrer de façon catastrophique.
De multiples causes sont à l’origine de ce désastre écologique : les millions de vautours indiens de plusieurs espèces, qui faisaient la voierie dans les villes de Delhi ou de Bombay, ont disparu en quelques années à la suite du traitement des bovidés par le diclofénac.
Mais, comme si ces oiseaux nécrophages, jadis admirés ou même vénérés, n’avaient plus leur place dans le monde moderne, on constate que la liste des menaces qui pèsent sur leur survie s’allonge désespérément.

Cela va de la raréfaction de leurs ressources trophiques à l’utilisation des vautours comme gri-gri ou pour des usages thérapeutiques dans certaines parties d’Afrique. L’électrocution sur des lignes électriques mal protégées peut compromettre la survie de populations hivernantes de vautours percnoptères européens migrateurs comme les rares nicheurs de Bulgarie et des Balkans qui accomplissent chaque année leur voyage migratoire vers le Soudan ou l’Ethiopie.
Mais c’est le poison qui représente la vraie menace pour ces oiseaux. Comme en Europe où la présence du loup pourrait représenter un nouveau danger mortel pour nos vautours, les pays africains sont de plus en plus enclins à utiliser le poison pour éradiquer les carnivores là où ils subsistent et menacent leurs élevages. Mais l’empoisonnement direct des vautours a trouvé récemment une nouvelle justification : éviter de trahir les braconniers d’éléphants ou de rhinocéros. C’est une véritable guerre entre les braconniers d’ivoire ou de corne, et les rangers des parcs nationaux. Et comme les massacres attirent les vautours qui viennent faire leur office de nettoyeurs, les braconniers, pour éviter de se faire repérer par les vols de ces rapaces, n’ont rien trouvé de mieux que d’empoisonner les carcasses. Des milliers de vautours meurent actuellement empoisonnés de cette façon (un cas récent a coûté la vie à plus de 500 vautours en Afrique du Sud).

vautours_dans_le_verdon

Quel bilan tirer de la conservation des vautours en Europe depuis 60 ans ?

Très tôt, dés les années 1960, les vautours étaient largement protégés en Europe, mais paradoxalement les législations de la plupart des pays avaient oublié de prévoir comment ces charognards pourraient se nourrir. Et suite à l’ère pastorienne et à la peur des microbes, il était toujours nécessaire d’ensevelir les cadavres des animaux d’élevage avec de la chaux pour favoriser la non contamination des sols et des sources.
En Espagne et dans les Pyrénées françaises, à la fin du siècle dernier, les anciens « muladares » où l’on jetait toutes les ordures y compris ces cadavres, fermaient les uns après les autres et les vautours avaient de plus en plus de difficultés à se nourrir. Ce travail gratuit et éternel (un adage romain ne disait-il pas Ubi pecora, ibi vultures) a failli être remis en question par des réglementations qui se voulaient modernes et avaient oublié que les rapaces nécrophages accomplissaient gratuitement cette mission d’épuration. Il aura fallu 18 années de combat au plus haut niveau ministériel avec l’implication de notre ami vétérinaire Guy Joncour, pour faire comprendre aux gestionnaires de l’équarrissage en France, que les vautours devaient continuer à jouer leur rôle en faisant disparaître les traces de la mort.
Cette reconnaissance du rôle de ces oiseaux nécrophages n’a été effective en France qu’à la fin des années 1990, et heureusement généralisée à la plupart des pays d’Europe où vivent ces oiseaux.

Les vautours sont devenus ainsi, non seulement des agents de salubrité en effaçant les traces de la mort mais des auxiliaires gratuits pour éviter l’enlèvement des carcasses dans des zones reculées ou difficiles d’accès. On estime la population de vautours d’Europe occidentale (Espagne, France, Italie et Balkans) à beaucoup plus de 100.000 individus ce qui peut donner une idée de la quantité de matière organique éliminée par ces oiseaux (un vautour consomme environ 500 g de viande par jour), et l’économie d’énergie s’il avait fallu récupérer ces déchets et les incinérer comme cela devrait se faire.
La technique des placettes d’alimentation, largement utilisée en France et qui permet de nourrir les vautours en aidant les éleveurs à se débarrasser de leurs carcasses, est de plus en plus généralisée en Europe.

vautours_en_inde

Fulgurante disparition des vautours en Inde

Vautours-Inde-1993… avant leur quasi disparition – Y.-THONNERIEUX

Au début des années 1990, un voyage en Inde m’a permis de découvrir l’immense population de vautours qui faisaient la voierie dans les villes du Rajasthan. Il était courant de compter des dizaines de milliers de vautours posés sur les toits des abattoirs de New Delhi.
Les naturalistes de cette région m’avaient invité pour parler des résultats des programmes de réintroduction des vautours en France et j’ai pu ainsi présenter les premiers efforts couronnés de succès. Je me souviens avoir souligné l’énorme décalage entre la situation française où quelques dizaines de couples reprenaient place et ce qui existait depuis toujours en Inde, où des centaines de milliers de vautours faisaient la voierie.
20 ans plus tard, hélas, la diclofénac avait sévi. Il ne restait que quelques vautours et les chiens redevenus sauvages les remplaçaient avec la menace croissante de transmission de la rage.

 

Un réseau international pour enrayer l’extinction des vautours 

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Vautours en vol dans le Verdon – Benjamin Kabouche

Parti d’Europe avec les programmes français et espagnols de conservation des vautours, et d’Autriche avec les premières libérations de Gypaètes barbus, un élan international a été orchestré par la Vulture Conservation Foundation, avec laquelle la LPO a noué des contacts étroits. La VCF, forte de son expérience et sous l’impulsion de son Directeur Jose Tavares, s’est rapprochée des instances internationales (UICN, BIrdLife International) pour essayer de sensibiliser la communauté internationale sur le drame de la disparition des rapaces nécrophages. Des «  Multi Species Action Plans », MSsAP, ont été rédigés pour l’Europe l’Afrique et l’Asie et la VCF a été responsable de celui consacré à l’Europe.
Pour venir en aide au Vautour percnoptère (l’espèce de vautour la plus menacée de France et d’Europe) de nombreux programmes et recherches se sont développés avec l’aide de programmes LIFE.

En guise de conclusion

Paradoxalement il a été plus facile aux conservateurs de la nature de sauver les populations de vautours et de grands rapaces d’Europe, que d’enrayer l’inexorable disparition des petits oiseaux insectivores, confrontés à l’extinction des populations d’insectes conséquence d’une
agriculture intensive.