Echolocation : les chauves-souris connaissent la vitesse du son dès la naissance !

Par Anne-Sophie Tassart le 10.05.2021 à 11h12 

VHB / Science Photo Library via AFP

Deux chercheurs ont démontré que les chauves-souris s’appuient lors de l’écholocation, sur une référence innée de la vitesse du son.

1200 km/h : c’est la vitesse du son dans l’air à 20°C. Si nous devons nous rendre sur les bancs de l’école pour apprendre ce nombre, les chauves-souris l’ont quant à elles intégré de manière innée, révèlent deux chercheurs de l’Université de Tel Aviv (Israël) dans une nouvelle étude.

Une vitesse fluctuante du son

Les chauves-souris se servent de l’écholocation afin de repérer des obstacles ou des proies dans l’obscurité. Elles produisent des ondes sonores qui vont frapper des surfaces vivantes et inertes pour ensuite se réfléchir jusqu’à leur émettrice. De cette façon, cette dernière peut – en tenant compte du temps écoulé entre l’émission et le retour de l’écho – localiser sa proie. Mais si à 20°C, la vitesse du son est de 1200 km/h, cette donnée peut varier dans d’autres conditions environnementales. Avec la température donc, mais aussi avec la composition de l’air. Ainsi, les ondes sonores se propagent plus vite dans un air chaud. Les chauves-souris apprennent- elles à maîtriser la vitesse du son au cours de leur vie ou naissent-elles avec cette capacité ?

Le Dr Amichai et le Pr Yovel ont répondu à cette question en mai 2021 dans la revue PNAS.

L’impression que l’objet est plus près qu’il ne l’est réellement

Les chercheurs n’ont pas hésité à jouer sur la vitesse du son non pas en modifiant la température mais en changeant la composition de l’air : ils y ont injecté de l’hélium. De cette façon, la propagation des ondes sonores se faisait plus rapidement. Ils ont placé dans ce nouvel environnement des jeunes chauves-souris et des spécimens adultes. Aucune d’entre elles n’a réussi à s’adapter : toutes « voyaient » l’objet plus près qu’il ne l’était réellement. Elles réalisaient alors des vols avec une trajectoire trop courte. Ce résultat signifie donc que l’écholocation chez ces mammifères est innée et qu’elles ne peuvent donc pas s’adapter à un changement aussi important de leur environnement, même si elles y ont grandi. « Elles connaissent des valeurs moyennes (de vitesse du son, ndlr), comme une gamme, explique à Sciences et Avenir le Pr Yovel. Il semble que les chauves-souris peuvent se débrouiller dans la plage naturelle de la vitesse du son avec une variabilité de 7%« .

« Les animaux comptent sur leurs sens pour survivre et se reproduire, rappelle l’étude. Les systèmes sensoriels sont soumis à un compromis entre l’avantage de la flexibilité qui s’accompagne souvent du coût d’une période d’apprentissage prolongée et l’avantage de l’innéité, qui réussit moins bien à faire face à des environnements modifiés« . Les attentes des chauves-souris par rapport aux ondes sonores en est la preuve.

Les chercheurs estiment aussi que leur recherche prouve que la perception spatiale des chauves-souris n’est pas basée sur une unité de distance mais plutôt sur le temps. « En réalité, lorsque l’on place une chauve-souris dans un environnement avec de l’hélium, nous changeons le temps mais la distance est quant à elle maintenue constante« , indique le Pr Yovel. En s’appuyant sur l’écholocation, ces mammifères démontrent que c’est bien le temps qui compte pour eux.