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Par Anouk Tomas le08.09.2021
Minuscules oiseaux, les colibris se reposent sur leur sens de l’odorat afin d’éviter certains insectes dangereux se trouvant sur les fleurs dont ils veulent se nourrir.
Les colibris se nourrissent du nectar des fleurs, qu’ils récupèrent grâce à leur longue langue après avoir plongé le bec entre les pétales.
Les colibris, ces minuscules oiseaux d’à peine une vingtaine de centimètres également surnommés “oiseaux-mouches”, se nourrissent essentiellement du nectar des fleurs. Dans la nature, leur excellente mémoire visuelle leur permet de reconnaître les fleurs qu’ils ont déjà visitées, du moins récemment. Cependant, ils ne sont pas les seuls à vouloir se délecter du délicieux nectar : d’autres oiseaux en raffolent également, de même que des insectes comme les abeilles, les guêpes ou les fourmis. Les colibris parviennent à repérer et éviter leurs compétiteurs volants en se reposant sur leur vision et leur ouïe, mais une étude américaine a récemment montré que ce n’était pas le cas pour les fourmis : les colibris seraient capables de les renifler, et ainsi de les éviter.
Ainsi les colibris savent éviter les fleurs sur lesquelles se trouvent des insectes, en particulier les fourmis, qui ont la fâcheuse habitude de les repousser physiquement ou chimiquement, s’assurant un certain monopole de la fleur. L’équipe de l’Université de Californie à Riverside (États-Unis) a étudié le rôle de l’odorat de ces petits oiseaux dans leur façon de butiner. Leurs résultats sont publiés dans la revue Behavioral Ecology and Sociobiology.
Sentir le danger, littéralement
Les chercheurs ont observé le comportement d’un peu plus d’une centaine de colibris de différentes espèces (colibris à gorge noire, colibris de Costa, colibri d’Anna et colibris d’Allen), à la fois dans la nature et en volières. Les petits oiseaux avaient le choix entre deux mangeoires visuellement totalement identiques, l’une contenant de l’eau sucrée toute simple, et l’autre contenant le même liquide auquel un élément supplémentaire avait été ajouté, comme pour signaler la présence ou le passage d’un insecte.
Les colibris, qui ne pouvaient compter que sur leur odorat pour différencier les mangeoires, parvenaient à éviter celles contenant des produits typiquement issus de fourmis, en particulier l’acide formique, sécrété par certaines espèces de ces insectes et bien connu pour sa dangerosité tant chez les oiseaux que chez les mammifères. Erin Wilson Rankin, entomologiste et co-autrice de l’étude, explique que “si un oiseau a de la peau à découvert sur les pattes, l’acide formique peut être assez douloureux, et s’ils en ont dans les yeux, c’est très loin d’être plaisant.” Elle précise également que c’est un agent “extrêmement volatile.”
D’après la spécialiste des insectes, “c’est assez incroyable, parce que c’est la première preuve concrète que les colibris se reposent sur leur odorat pour prendre des décisions lorsqu’ils cherchent à se nourrir, afin d’éviter une rencontre avec un insecte potentiellement dangereux pour eux.”
Repérage olfactif
En effet, les colibris n’évitent pas systématiquement tous les insectes : ils savent ce qui peut leur être nocif. Par exemple, ils n’étaient pas du tout sensibles à la présence d’odeurs typiques d’abeilles dans les mangeoires, alors que ces mêmes odeurs repoussent très efficacement les autres insectes de la même espèce.
Les chercheurs ont même testé de proposer aux colibris une mangeoire contenant de l’eau sucrée avec du butanoate d’éthyl, très souvent utilisé comme arôme par les humains (pour son odeur fruitée, qui rappelle l’ananas) : rien à faire, “les oiseaux ne s’en sont pas souciés et n’ont pas fait des pieds et des mains pour l’éviter.”
Un odorat largement sous-estimé
L’odorat des oiseaux a longtemps été mis de côté dans les questionnements scientifiques, voire même considéré inexistant ! Ce n’est que récemment que des études commencent à voir le jour, rendant à César ce qui lui appartient, par exemple chez les vautours, ou encore les cigognes.
L’étude de Erin Rankin et ses collègues montre bien que même chez les petits oiseaux comme les colibris, qui ont quant à eux de minuscules (enfin, proportionnels à leur taille) bulbes olfactifs, l’odorat est un sens actif et développé, qui leur est utile au quotidien. La chercheuse précise que “cette étude [lui] a permis de [se] rendre compte qu’il est essentiel d’étudier la biologie basique et l’histoire d’animaux trop souvent négligés.”