Les araignées bariolées voient les couleurs

Selon une étude présentée en janvier 2017, les araignées du genre Habronattus et Maratus sont sensibles a bien plus de couleurs que ce que pensaient précédemment les chercheurs.

(en entête )Les araignées du genre Maratus, comme ici cette Maratus speciosus, seraient capables de distinguer le rouge, le jaune et le orange

© OTTO JURGEN/CATERS NEWS AGENCY/SIPA

VISION. Chez certaines espèces d’arachnides, les mâles possèdent des couleurs chatoyantes. Mais quel est l’intérêt si la vision de ces animaux n’est réellement sensible qu’au bleu, au marron et au vert ? Pour des chercheurs de l’Université de Cincinnati (Etats-Unis), l’hypothèse a été simple à poser : ces espèces sont en réalité sensibles a de nombreuses autres couleurs. Et les résultats de leurs travaux, présentés en janvier 2017 lors du meeting annuel de la Society for Integrative and Comparative Biology qui s’est déroulée en Nouvelle-Orléans, révèlent qu’ils ont visé juste tout du moins pour deux genres de Salticidae communément appelées araignées sauteuses chez qui les mâles sont particulièrement colorés.

Une même vision, deux mécanismes

Les chercheurs ont utilisé deux procédés pour étudier la vision des araignées du genre Habronattus (Amérique, Antilles et Iles Galápagos) et du genre Maratus aussi appelées araignées-paons (Australie) : dans un premier temps ils ont pratiqué des microspectrométries afin de mesurer l’absorption de la lumière par les photorécepteurs de leur rétine, ensuite ils ont simulé le système visuel de ces arachnides grâce à un modèle mathématique permettant de comprendre comment cette même rétine perçoit les couleurs. Ces techniques ont permis de découvrir que ces deux genres de Salticidae perçoivent le rouge, le jaune et le orange grâce à des mécanismes complètement différents l’un de l’autre. Les araignées du genre Habronattus possèdent un filtre rouge sur la rétine qui, combiné à l’action des cellules rétiniennes sensibles au vert, permet à l’animal de capter les variations de jaune, de orange et de rouge. Chez les araignées du genre Maratus, un nouveau type de cellules rétiniennes sensibles au rouge est carrément apparu dans leurs yeux au cours de l’Evolution.

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 Une araignée de l’espèce Habronattus coecatus Crédit : Wikimedia Commons

Une vision qui possède plusieurs utilités

Cette découverte souligne un peu plus toute la magie du processus évolutif : deux genres d’arachnides ont développé des mécanismes biologiques complètement différents mais pour une même finalité. La capacité de voir ces couleurs étant partagée par les deux sexes, l’utilité des motifs colorés (couplés à une danse endiablée, voir vidéo ci-dessous) dans la reproduction se confirme. Cependant, si ces espèces sont capables de percevoir des couleurs vives, le rôle de cette capacité lors des parades nuptiales ne serait que secondaire. Pour les chercheurs, cette vision plus développée que chez la plupart des autres espèces d’arachnides servirait avant tout à détecter les insectes dont la toxicité est signalée par des couleurs vives. Mais quid des inconvénients ? Se peut-il qu’être une palette de couleurs ambulante porte préjudice aux mâles Habronattus et Maratus ? Pour Nate Morehouse, le chercheur qui a piloté l’étude, les motifs colorés ne sont en aucun cas un problème. D’après lui, les parties colorées sont « seulement observable à l’avant, lorsque deux araignées se font face« . Vu du dessus (comme le ferait un oiseau), les mâles ne comportent que des couleurs sombres difficilement détectables.

La danse d’une araignée-paon de l’espèce Maratus speciosus. Crédit : Youtube / Peacockspiderman

De nouvelles études à suivre

Prochainement les chercheurs devront déterminer exactement quel processus a permis l’amélioration de la vision chez ces espèces. Cependant, les scientifiques ont déjà une hypothèse : l’un des gènes codant pour un photorécepteur se serait multiplié. Par la suite, certaines de ses copies auraient muté entraînant la formation de nouveaux photorécepteurs sensibles à d’autres couleurs. La conservation de l’ensemble du génome aurait ainsi permis à ces araignées d’être sensibles à une plus large palette. Les chercheurs souhaitent mener de nouvelles études sur d’autres genres d’araignées colorées afin de découvrir, peut-être, de nouveaux mécanismes visuels encore inconnus chez ces animaux.