Les alouettes ne sont pas à la fête : vendredi 7 octobre, quatre arrêtés ministériels autorisent à nouveau les formes traditionnelles de chasse aux alouettes des champs, dans les départements de la Gironde, des Landes, du Lot-et-Garonne et des Pyrénées-Atlantiques jusqu’au 20 novembre. Ces techniques supposent de piéger les oiseaux à l’aide de cages tombantes (les matoles) ou de filets horizontaux (les pantes).
La Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) a immédiatement réagi dans un communiqué de presse en dénonçant un « cadeau inacceptable » fait aux chasseurs par le gouvernement. Cette autorisation gouvernementale contrevient à la réglementation européenne, notamment la directive oiseaux de 2009, qui interdit la capture massive d’oiseaux sauvages (sauf dérogation).
L’alouette a perdu plus de la moitié de ses effectifs européens depuis 1980
La LPO rappelle que « l’alouette des champs en fort déclin a perdu plus de la moitié de ses effectifs européens depuis 1980 et près du quart de sa population française au cours des vingt dernières années ». Et annonce son intention de saisir le Conseil d’État et d’introduire un recours pour demander la suspension de ces arrêtés, comme elle l’avait déjà fait en 2021.
Sur les réseaux sociaux, la LPO rappelle par ailleurs que la manipulation d’oiseaux sauvages en pleine épidémie de grippe aviaire est « dangereux et irresponsable ».
Chasse à l’alouette : Christophe Béchu « assume » d’avoir réautorisé deux techniques (interdites par l’UE)
Selon le ministre de la Transition écologique, ces chasses traditionnelles sont « extrêmement limitées ».
POLITIQUE – Pas d’annonces en grande pompe, mais des décrets publiés au Journal officiel ce vendredi 7 octobre. Ainsi le gouvernement a de nouveau autorisé des formes traditionnelles de chasse de l’alouette des champs, à l’aide de cages et de filets, dans plusieurs départements du sud-ouest, et qui risquent de contrevenir au droit européen.
La capture de ces oiseaux « à l’aide de paires de filets horizontaux ( » pantes « ) constitue une exploitation judicieuse de petites quantités d’oiseau », indique un premier arrêté. « Elle n’est autorisée que dans les départements de la Gironde, des Landes, du Lot-et-Garonne et des Pyrénées-Atlantiques du 1er octobre au 20 novembre », ajoute-t-il. Un deuxième arrêté précise le nombre de captures autorisées avec des pantes pour la saison 2022-2023, soit jusqu’à 56 672 dans les Landes.
Un autre texte autorise cette fois la chasse à l’aide de cages pièges (« matoles ») : « Elle n’est autorisée, dans des conditions strictement contrôlées, que dans les départements des Landes et du Lot-et-Garonne du 1er octobre au 20 novembre ».
Un arrêté précise enfin le nombre d’alouettes qui peuvent être ainsi capturées, soit quelques milliers pour la saison de chasse. « Le gouvernement fait le choix de la récidive en reprenant des arrêtés qu’il sait illégaux », a aussitôt dénoncé la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) dans un communiqué.
« Et, comme à son habitude, il les publie la veille de leur application afin de laisser tuer des milliers d’oiseaux le temps que le Conseil d’État se prononce sur le recours en référé que la LPO va déposer immédiatement pour demander la suspension de ces arrêtés », poursuit-elle.
Béchu « assume »
Invité ce samedi 8 octobre sur franceinfo, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu « assume la décision qui a été prise », concernant ces chasses à la pante et à la matole, qu’il juge « extrêmement limitées ». Fin septembre, le même ministre avait pourtant indiqué qu’il allait attendre les conclusions du Conseil d’État avant de se prononcer.
« Je n’ai pas la maîtrise du calendrier du Conseil d’État mais je pense que cette façon de procéder est respectueuse de tout le monde », avait-il assuré devant des parlementaires, avant donc de faire machine arrière.
La directive européenne « oiseaux » de 2009 interdit les techniques de capture massive d’oiseaux sans distinction d’espèces. Une dérogation est possible « à condition d’être dûment motivée et dès lors ’qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante’ pour capturer certains oiseaux ».
En octobre 2021, le juge des référés du Conseil d’État, saisi en urgence par les défenseurs de la nature, avait suspendu des arrêtés gouvernementaux autorisant des chasses d’oiseaux traditionnelles. Une décision est désormais attendue sur le fond.
Après une première annulation en août 2021 par la plus haute juridiction administrative du pays de plusieurs autorisations de chasse (grives, merles noirs, vanneaux, pluviers dorés, alouettes des champs avec des filets ou cages), le juge avait estimé que le gouvernement avait pris ces nouveaux arrêtés sur la même base, risquant de contrevenir au droit européen, et qu’il existait ainsi « un doute sérieux quant à leur légalité »…
Allain Bougrain Dubourg, président de la LPO, a frontalement critiqué vendredi le président Emmanuel Macron à la suite de la publication des arrêtés.
« Sa décision de rétablir des pratiques moyenâgeuses affectant une espèce fragile va à l’encontre de ses prétentions et désavoue son propre ministre qui avait garanti attendre le jugement du Conseil d’État avant toute décision », estime le responsable. « En outre, il invite à la manipulation d’oiseaux sauvages en pleine période de grippe aviaire, ce qui est irresponsable », juge-t-il.