Le babillage des chauves-souris ressemble à celui des bébés humains

Par Théo Tzélépoglou le 19.08.2021

L’apprentissage de la vocalisation chez une espèce de chauve-souris serait très proche de celui des bébés humains

Batman avait tout compris. La chauve-souris et l’Homme partagent en effet plus que ce que l’on croyait, et ce dès les premiers stades de vie. Pas besoin de cape ni de batmobile pour arriver à cette conclusion, un enregistreur et un logiciel d’analyse de son ont suffi à des scientifiques allemands et panaméens… Les premières étapes du langage chez le bébé passent par des gazouillis composés de simples voyelles, puis par le babillage – qui correspond à la production d’onomatopées plus structurées -, jusqu’aux premiers mots vers l’âge de 6 mois. Une étude publiée dans la revue Science s’est focalisée sur 55.056 syllabes de 216 babillages de vingt chauves-souris Saccopteryx bilineata juvéniles et les ont comparés à des babillages de bébés humains. Ces onomatopées partageraient les mêmes caractéristiques incluant des aspects de réduplication et de rythmicité.

Jusqu’à présent, les preuves de babillages chez d’autres espèces que l’homme étaient très rares, « Il est fascinant de constater ces parallèles entre les pratiques vocales de deux mammifères à apprentissage vocal« , déclare Mirjam Knörnschild, co-auteure de l’étude et chercheuse au Museum d’histoire naturelle de Berlin ainsi qu’au Smithsonian Tropical Research Institute au Panama.

Des caractéristiques communes entre l’humain et la chauve-souris

En analysant les syllabes produites par Saccopteryx bilineata, les chercheurs ont distingués des protosyllabes, soit des ressemblances avec les syllabes adultes. Ces syllabes sont définies par des sons ponctués de silence et ne sont évidemment pas comparables avec celles de nos langages en terme de sonorité mais plutôt en terme de structure. Ces protosyllabes sont comparable aux sons précurseurs de la parole chez les enfants.

« Le babillage des chauves-souris juvéniles est caractérisé par la répétition des syllabes, similaire à la répétition caractéristique des syllabes – ‘dadada’ (on parle de ‘réduplication’, NDLR) – dans le babillage du bébé humain », explique Lara Burchardt co-auteure de ce travail et chercheuse au Museum d’histoire naturelle de Berlin ainsi qu’au Smithsonian Tropical Research Institute au Panama. Durant ces réduplications de syllabes, les jeunes chauves-souris s’entraînent en facilitant l’intégration sensorielle tout comme les bébés. Enfin, la composition syllabique des babillages de ces mammifères nocturnes est caractérisé par une grande rythmicité, une caractéristique également commune avec l’Homme.

Les épisodes de babillage chez la chauve-souris peuvent durer jusqu’à 43 minutes

Chez cette espèce de chauve-souris, les jeunes passent 30% des dix premières semaines de vie à babiller en essayant de prononcer des syllabes. « Le babillage des jeunes est un comportement vocal très clair. Il est audible à une distance considérable du perchoir et les épisodes de babillage peuvent durer jusqu’à 43 minutes », précise Martina Nagy, co-auteure et également chercheuse au muséum d’histoire naturelle de Berlin. Si s’occuper d’un bébé est fatiguant, imaginez pour les parents de ces jeunes chauves-souris, qui eux ont l’habitude de vocaliser moins d’une minute au maximum !

Toutefois nombre de ces babillages, même les plus ressemblants, ne trouvent pas de réponse de la part d’autres adultes, certainement car le contexte social de ces vocalisations n’est pas celui des adultes, ou bien parce qu’ils reconnaissent le caractère juvénile de ces onomatopées. Chez Saccopteryx bilineata, l’apprentissage du langage est également lent puisqu’une fois sevrée, le répertoire constitutif des 25 syllabes adultes n’est pas complet chez les jeunes. Enfin, curieusement, les premières syllabes apprises par les jeunes mâles et femelles sont celles des vocalises territoriales des mâles adultes. Tous les juvéniles les prononcent dans le bon ordre, pourtant c’est seulement les jeunes mâles qui les chanteront encore à l’âge adulte.