Guyane : Tapirs, loutres et singes suivis à la trace grâce à leur ADN retrouvé dans les rivières

BIODIVERSITE Des chercheurs, notamment Toulousains, ont pu inventorier des mammifères de Guyane sans les voir, uniquement grâce à la présence de leur ADN dans les eaux

Béatrice Colin

  • Pour inventorier les espèces, habituellement les scientifiques sillonnent les territoires afin de les observer et recenser.
  • Une équipe de chercheurs, parmi lesquels des membres du laboratoire toulousain « Evolution et diversité biologique », ont travaillé au recensement des mammifères en Guyane grâce à la présence de leur ADN dans l’eau.
  • Cette étude montre qu’il est possible de détecter la présence d’animaux qui passent habituellement en dessous des radars, mais aussi de faire un rapprochement entre leur présence et les activités humaines.

Habituellement, pour savoir quels animaux vivent sur un territoire, les scientifiques marchent des heures durant à travers un rayon de 100 km et notent scrupuleusement la trace de chaque mammifère ou insecte croisé durant leurs pérégrinations. Depuis quelques années, une nouvelle méthode a vu le jour, plus moderne. Grâce à la présence de leur ADN dans les rivières, les espèces qui gravitent dans certaines zones du monde peuvent être aussi recensées. C’est ce que vient de démontrer un consortium de chercheurs, parmi lesquels ceux du laboratoire toulousain Evolution et diversité biologique, en étudiant les eaux du Maroni et de l’Oyapock, les deux plus grosses rivières de Guyane.

Dans une étude publiée dans la revue Molecular ecology resources, ils ont ainsi pu démontrer la présence de mammifères amazoniens sans les avoir jamais observés. Leur travail initial portait sur les poissons, dont on retrouve logiquement la trace ADN dans l’eau, grâce à des prélèvements réalisés sur 96 sites de cette région française d’Amérique du Sud. Qu’ils ont étendu aux autres animaux, dont l’ADN est habituellement prélevé dans le sol.

« L’idée est de pouvoir comparer les détections classiques de faune avec nos méthodes et voir si elles sont cohérentes avec la distribution que l’on connaît des animaux. On s’est limité à la faune amazonienne emblématique, comme le jaguar, le tapir, la loutre géante, le singe araignée ou encore le grand fourmilier, une trentaine d’espèces au total », explique Opale Coutant, doctorante au sein du laboratoire EDB.

Là où il y a l’homme…

Si leur méthode a permis de confirmer ce que l’on savait déjà, cela a aussi apporté des informations nouvelles sur une faune que les classiques inventaires ne détectent pas. « Ils se réalisent durant la journée, ce qui fait qu’on voit très peu les animaux nocturnes, et comme ils se font sur la terre ferme, on observe très peu les espèces inféodées à l’eau comme la loutre par exemple. Dans notre cas, on a remarqué que l’on détectait mieux les espèces aquatiques, semi-aquatiques et nocturnes. Notamment de petits opossums, des animaux nocturnes et toujours dans la canopée, on les a détectés là où on ne pensait pas qu’ils étaient », poursuit la scientiLe lamantin, très discret, a été repéré grâce à son ADN dans les estuaires, et le kinkajou, petit carnivore arboricole et nocturne, a été détecté de manière bien plus importante que prévu.

Cette étude confirme que l’homme, et ses activités, a un véritable impact sur la présence de certains mammifères. Ainsi, la présence de la loutre géante, le jaguar ou encore le singe araignée est moins observée près des zones de vie des populations guyanaises, notamment sur le fleuve Maroni, très touché par l’orpaillage. C’est dans les endroits isolés que la faune est la plus riche.

« Par contre, le capybara, l’un des plus gros rongeurs du globe, on le retrouve partout car il n’est pas chassé par l’homme pour sa viande, c’est une espèce dite plutôt anthropophile », relève Opale Coutant qui espère que cette méthode va pouvoir permettre d’en apprendre un peu plus sur la présence de la faune dans certains endroits, sans pour autant la déranger.