- La loutre d’Europe est un mammifère semi-aquatique qui a longtemps été chassé en France.
- Classée espèce protégée, la loutre bénéficie aussi de plans d’actions nationaux.
- Fragile, exposée aux dangers de la circulation routière, elle est, de plus, pénalisée par un faible taux de reproduction.
Sa bouille sympathique ferait presque oublier qu’elle a longtemps été chassée pour son pelage et sa réputation erronée d’animal nuisible. Au point de pratiquement disparaître du territoire français au cours des années 1980. Quarante ans plus tard, la loutre d’Europe fait un retour remarqué dans un grand nombre de départements français. Ce mammifère semi-aquatique est parvenu à repeupler significativement les régions où elle avait échappé à l’extermination (Massif central, Bretagne, Pays-de-la-Loire, une partie de la Nouvelle-Aquitaine). Et même à reconquérir de nouveaux bassins, à l’image de l’Occitanie, de la Normandie, des Pyrénées ou de la vallée du Rhône.
« C’est une excellente nouvelle car, comme tout carnivore, elle joue un rôle important dans l’écosystème », se réjouit Meggane Ramos, spécialiste de la loutre d’Europe au sein du Groupe mammalogique breton. « Elle revient de loin. Il faut se rappeler qu’elle était autrefois présente sur l’ensemble de la France, sauf en Corse, avant de devenir rare. Dans certains pays, elle a complètement disparu », expose Cécile Kauffmann, animatrice du plan national d’actions en faveur de la loutre pour la Société française pour l’étude et la protection des mammifères (SFEPM).
Un faible taux de reproduction
Il a fallu un classement en espèce protégée en 1981, puis deux plans d’action nationaux (2010-2015, 2019-2028), pour permettre d’obtenir une « lente reprise des populations ». Lente, car la loutre reste un animal fragile, « très vulnérable à la dégradation de ses habitats », et souffre de handicaps pour sa descendance. « Elle a un faible taux de natalité. La maturité sexuelle n’est atteinte qu’à l’âge de 3 ans environ et elle ne donnera naissance qu’à un à trois petits. Et puis son espérance de vie dans la nature ne dépasse guère 4 à 5 ans », indique Meggane Ramos.
Si le comptage de la population semble « impossible » en raison de la très grande discrétion de l’animal, la loutre est suivie par un réseau de naturalistes grâce à ses empreintes de pas, ses crottes (appelées épreintes) et quelques restes alimentaires. « On utilise aussi des pièges photographiques ou vidéo. C’est un travail de recherche minutieux, incertain, mais indispensable », souligne Meggane Ramos. Une démarche qui permet aujourd’hui d’authentifier sa présence dans de nombreuses zones humides, y compris des fleuves aux rives urbanisées, à l’image de la Loire. Les cours d’eau du Grand Est et des Hauts-de-France semblent toutefois faire exception. « Il y a bien eu des tentatives de réintroduction en Alsace mais ça n’a pas vraiment fonctionné », raconte Cécile Kauffmann.
Des dégâts dans les élevages piscicoles
Animal relativement solitaire (contrairement à sa cousine la loutre de mer), la loutre d’Europe évolue sur un bassin de 5 à 20 km de long à la recherche de poissons, écrevisses ou batraciens. « On pense souvent que la loutre est un témoin de la bonne qualité des eaux mais, en fait, elle va surtout là où elle trouve du poisson et des abris, souligne Meggane Ramos. On a détecté sa présence sur des secteurs où l’eau est de très moyenne qualité, à l’image du Gouëssant dans les Côtes-d’Armor. » Sa gourmandise l’incite, de temps en temps, à s’introduire dans des élevages piscicoles, notamment de truites. Au grand dam des pisciculteurs, les dégâts pouvant être importants. « On a un animateur qui sensibilise les professionnels et leur apporte une aide technique. Lorsque les installations sont bien protégées, il n’y a plus de problème », rapporte l’animatrice du plan loutre national.
Si elle n’a pas de prédateur dans la nature, la principale menace de la loutre d’Europe demeure les activités humaines, en particulier la circulation routière. « Il y a des ouvrages, des barrages, qui l’obligent à traverser des routes, des collisions peuvent alors se produire, déplore Cécile Kauffmann. On trouve heureusement de plus en plus d’aménagements spécifiques pensés pour elle, comme les banquettes sous les ponts. Ils participent à la recolonisation de la loutre. » Quelques piégeages visant des ragondins, rongeurs invasifs avec qui la loutre est souvent confondue, lui sont encore aussi parfois fatals, de même que les morsures de chiens. « Globalement, elle se porte de mieux en mieux mais il est trop tôt pour la penser définitivement à l’abri. Elle mérite encore notre vigilance », insiste Cécile Kauffmann.
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